samedi 16 juin 2007

Le temps passe

Le temps passe et je me réveille. Je reparais aux lieux clefs. La salle de sport. je me suis prise au jeu : des années d'inactivités, ou presque, m'avaient brisées; je redeviens moi-même, je passe plus d'une heure à la palestre chaque jour; pas toujours aux heures sociales, car j'ai bien du mal à supporter toutes ces personnes importantes, leurs conversations et leur fou-rire. la stupéfaction passée, Kali essaie d'ironiser à mon propos, mais elle n'est pas très douée, et n'a pas de prise sur moi; elle est en train de devenir agressive. La maîtresse de mon frère est beaucoup plus policée, mais tout aussi menaçante. La première dame officielle et la première dame officieuse n'ont guère envie que je leur souffle la place; Sura est venu me trouver plusieurs fois, inquiet peut-être? Il m'a demandé où j'en étais de mes recherches; j'ai demandé une escorte pour aller aux archives; il m'a fait remarquer que je m'en passais bien jusqu'à présent. J'ai insisté; il m'a demandé de présenter une demande écrite au roi.
Je sors à pied, en personne ordinaire, et aux archives je me cache; les fonctionnaires y sont si incompétents que j'y suis libre. Personne n'enregistre ma présence. Le flou le plus total règne. j'y passe un peu tous les jours, je vois plusieurs personne, de temps en temps je fais un eptit esclandre parce que l'on ne m'a pas apporté le bon livre.
Ainsi, Sura ne sait plus trop dans quelle direction regarder. Il ne me fait pas suivre, il enquête seulement sur moi; je ne connais pas encore le nom de celui qui est chargé du dossier; je le trouverai.
Par prudence et conventionnalisme, il me faudra bientôt un amant. Vu ma position, je ne peux pas prendre n'importe qui. J'ai quelques idées.

samedi 26 mai 2007

La salle de sport

Quid, me dira-t-on, de la salle de sport.
Eh bien, l'après midi, nous avons à la palestre tout le gratin.
Si nous ne l'avons pas en intégralité, nous en avons quelques beaux spécimens.
A commencer par la gamme changeante, variée et inestimable de mes belles-soeurs.
A l'exception d'une seule, elles me détestent toutes, sentiment dont l'inconfort s'est mué peu à peu en une solide tranquillité.
Ma première belle soeur est la reine, naturellement, l'épouse de mon frère Iliu Soutine. La pauvre n'est pas très jolie et souffre de nombreuses petites imperfections, ce dont elle souffre beaucoup. Cheveux fins et clairsemés, tendance à l'embonpoint abdominal (familial - elle déteste regarder sa mère), elle manque de confiance en elle et n'est ni très intelligente, ni très artiste, ni très patiente, ni très admirée, ni très admirable. Le genre de reine qu'on oubliera vite. Elle est d'une noble famille, des marches du Nord, dont pour consolider la frontière, on les a mariés. Iliu, qui a toujours été coureur, lui a fait trois gamins en suivant, dont elle ne contrôle que partiellement l'éducation, car il n'a pas confiance en elle pour les élever (ambiance - et il faut toujours sourire en public). Il m'a proposé lors de la naissance de l'ainé de participer à son éducation (participer seulement, pour en faire un souverain progressiste je suppose?). J'ai décliné. Je tenais à détester leurs enfants.
Cette pauvre reine (pour être exacte, Iliu est odieux) s'appelle Kali Indra. Elle ne peut même pas avoir d'amants, car Iliu est très regardant. Lui peut aller où il veut, n'est-ce pas, le roi est partout chez lui, mais la reine est réservée à l'usage privé du roi dans un but purement, disons, politique. On lui demande de faire des gosses, de paraître en cérémonie et c'est tout.
Je crois qu'elle est passé, les premières années, par une phase sérieuse, "je me sacrifie pour mon devoir". Elle se disait qu'à condition d'être sérieuse, elle aurait au moins la satisfaction subséquentes aux visites de mon frère. Mais Iliu la trouve bête et moche et il a cessé ses visites au troisième gamin. Résultat : Kali se rabat sur la domesticité féminine et sur quelques patriciennes expertes, ce qui n'est pas sans danger. Elle a eu une amie très proche qui a disparu; je crois que je sais comment, sans certitude; c'est une intervention de Sura. Elle s'est liée avec une magicienne qui lui a procuré des drogues et des jouets utilisés dans les lupanars des quartiers sud. Elle m'en a un jour parlé avec enthousiasme, il y a quatre ans, aux bains. Elle venait de découvrir qu'on peut se passer des hommes. Or, c'est un sujet qui se discute. La satisfaction sexuelle, c'est une chose; mais Kali a besoin d'un mari, ou d'un amant à défaut. Le jour où elle découvrira que tout le monde l'a sacrifié à des intérêts politiques, ce jour-là elle sera peut-être, je ne dirais pas dangereuse, mais encombrante. Comme elle n'est pas très intelligente, elle ne le comrepndra peut-être jamais.
Je n'aime pas du tout Kali, même si j'ai pitié d'elle; on n'a pas le droit d'être aussi bête.

Iliu a une maîtresse, qu'il trompe aussi, mais rien à voir avec Kali. Elle s'appelait Titi, étant d'un milieu populaire, il l'a rebaptisé Ita Salim, et elle n'a aucun besoin de quoi que ce soit, elle a tout ce qu'elle veut. Ce qui est charmant, bien que Kali l'ignore, c'est qu'elle compense les infidélités de son royal amant par la fréquentation régulière des jeunes recrues de la garde. Iliu le sait, mais alors que la reine doit se garder à l'usage exclusif du roi et que celui-ci ne pourrait souffrir que la place ait pu être partagée, Ita peut, sans provoquer autre chose que des scènes de jalousie, offrir à tout le monde ce qui pourtant constitue son principal atout auprès du roi. Ita a le droit de se distraire. Et, mieux, comme me l'a un jour dit Iliu à la fin d'une fête : "D'ailleurs on s'en fout de ce qu'elle fait avec son c.., c'est rien d'autre qu'une p...! après tout".
Ita est très belle, et surtout elle a du charme. Elle passe au moins deux heures par jour aux bains, avec une équipe de caméristes qui s'occupe de son corps, et c'est là que les jeunes recrues de la garde la rencontrent parfois dans des salles réservées; ambiance assez ollé-ollé; elle passe deux heures par jour dans la salle de sport (pas seulement pour faire du repérage). Elle inaugure et se déplace beaucoup, et dans des trucs plus funs que la pauvre Kali, vouée aux ambassades étrangères et aux intronisations officielles, avec discours et petits fours secs.
Ita est très intelligente, et Iliu n'est pas assez bête pour la sous-estimer; c'est peut-être pour cela qu'il la laisse fréquenter les recrues? Elle lui donne souvent des conseils. Sa chambre communique directement, par le réseau interne, avec le bureau du roi.
J'ai trois autres belles -soeurs, dont je parlerai plus tard.

Suite

Aedea est venue me retrouver, soit disant à propos de ses recherches. Cette fille me fera pendre. Elle est devenue révolutionnaire, alors que son père est un brave fonctionnaire sérieux, elle a décidé de lutter contre l'oppression sous toutes ses formes. Jirèse a été très impressioné (par moi). Je lui dis que je ne peux pas faire grand chose. Elle veut que j'organise. Jirèse semble avoir réellement connu Crisée, et il en a déduit que j'avais des talents d'organisatrice; ce qui n'est pas faux en soi, c'est-à-dire qu'à une certaine époque j'organisais. Depuis le massacre de tous mes amis de l'époque, je n'organise plus rien. Je ne parle plus. Avant je parlais bien.
Le problème de ce genre de personne, dans ce genre de situation, c'est que la fréquenter est presque aussi dangereux que ne pas la fréquenter. Son obstination m'inquiète, il va me falloir me renseigner sur sa famille pour savoir comment agir sur elle.
Soyons clair : si Sura entend parler de mes rapports avec elle, je risque gros; pour l'amener à être discrète, je dois donc (nous en sommes ouvent réduit à cela par ici) l'éliminer ou trouver un moyen de me faire craindre d'elle, en menaçant une personne de son entourage. Je pourrais aussi négliger le problème et me draper dans mon innocence - ou la dénoncer à Sura, ce qui est hors de question, parce que c'est lâche, parce que je déteste Sura et que c'est l'envoyer à une mort aussi certaine qu'abominable.
Cependant, toutes ces activités ne me déplaisent pas. J'ai certes passé la matinée derrière les rideux, allongée sur un lit de repos, à observer la lumière du soleil entre les rideux, et à lire. On avait disposé des fleurs autour de moi, un musicien, dans l'autre pièce, jouait des balades anciennes... et je me suis ennuyée.
Ce n'est pas que je veuille, au moins dans l'immédiat, suivre Aedea. Son enthousiasme gamin me fatigue.
Mais je pourrais me réveiller... Observer les choses autour de moi. Connaître plus nettement tout notre petit univers pour savoir d'où vient le danger. Je suis meilleure observatrice, pour ne pas employer d'autres termes, que Sura.
Autre chose... Une idée a longtemps tourné autour de moi : venger Crisée. Attention, ce n'est pas si simple. J'ai été amoureuse de lui, mais les choses ont changé, même avant qu'il ne meure. Je voulais, immédiatement après sa mort, le venger. Par la suite, j'ai totalement abandonné cette idée. Aujourd'hui, je voudrais savoir avec plus de certitude qui l'a trahi et pourquoi.
Résultat, en conformité avec mes nouvelles résolutions, j'ai passé l'après-midi à la salle de sport.

dimanche 20 mai 2007

Suite

L'orateur est venu me voir à la fin de la réunion, très dramatique. Il m'a dit avoir bien connu Crisée (je suis sceptique). Il sait qu'il peut avoir confiance en moi (les yeux dans les yeux, en me touchant la main - il m'agace). Il vient de chez les Houchis (ah, là, je suis intéressée, et curieuse, j'avoue). Il faut qu'il me voit, il a des choses à me dire. Auparavant il veut mon avis sur leur projet.
Avant de réfléchir, je hausse les épaules et leur dis que c'est fumeux, d'ailleurs je n'ai pas entendu de projet, un projet c'est daté, organisé, il y a quelque chose, mais là on barbote dans le bla-bla.
Il se métamorphose; ses yeux brillent; il me prend la main; très tactile, ce garçon. Il voit en moi la marque de Crisée; Crisée avait raison.
Bon, moi, à trop entendre parler de Crisée mort depuis 13 ans, n'oublions pas que j'étais amoureuse de lui comme on l'est à 18 ans, je commence à me sentir très mal à l'aise. j'aurais voulu lui dire, noblement, des vacheries, l'envoyer promener, est-ce qu'on débarque dans la vie des gens pour leur balancer leur passé avec cette hystérie enthousiaste? Impossible. Gorge en bois, oreilles bourdonnantes, yeux qui brûlent, j'avais tout prévu sauf de me retrouver au bord des larmes dans un quartier sordide avec une poignée de conspirateurs en herbe, organisés comme des manches et vouant un culte à des "héros" morts. Je résiste. La fréquentation de mes chers frères m'a appris le contrôle de soi (toujours utile). Je me concentre sur tout ce qui m'entoure, je m'ancre dans la réalité, la charmante et délicieuse réalité. Mes pieds enfoncés dans le sol, j'en absorbe l'énergie, elle monte dans mes jambes, dans ma colonne vertébrale. Je sens, autour de moi, le bruissement discret mais curieux des conversations de ceux qui regardent leur nouveau chef (apparemment) parler avec la *** (comment me décrivent-ils? Crisée disait que nous n'avions aucune idée des pensées du petit peuple - je n'ai jamais osé en parler avec d'autres, du peuple, comme Hidda, par exemple). Je regarde mon interlocuteur, dans son intégralité : brun, teint clair, yeux clairs, plutôt grand, entraîné. Cela détourne mes pensées du flot qui allait les emporter. Je lui demande son nom : Jirèse. Je lui dis que s'il a quelque chose à me dire, on peut toujours se voir, mais que pour l'instant je n'ai rien vu. Et je m'en vais.
Je change de porte pour rentrer au palais, on n'est jamais trop prudent. Cette semaine, j'irais en secret dans la bibliothèque de la ville, histoire d'occuper mes espions, éventuellement. Dans les escaliers qui m'amènent jusqu'à mes étages, je mets à pleurer, avec exaspération. Crisée me remonte à la figure. C'est trop.

vendredi 18 mai 2007

Rendez-vous secrets

Les conspirateurs ont des secrets amusants. Je me suis rendu au rendez-vous, par un dédale de rues qui me sont connues, sales et puantes, alors que je n'aime pas la puanteur. Dans une impasse on m'a bandé les yeux et des mains calleuses et humides m'ont guidées jusqu'au rendez-vous, un sous-sol. Foule populaire, sceptique de vant moi; discours. Des idées nouvelles flottent en ville, très nouvelles, je me demande bien d'où cela vient. J'ai remarqué une jeune femme sérieuse dans la foule, je ne sais pas qui elle est, mais son calme et son sérieux, son air éduqué aussi, m'ont surpris; le fond du discours était le même : un repartage des terres et des droits. Rien que de rationnel; en ce qui me concerne, deux ou trois pièces, mais dans mon château, me suffisent. Mais les patriciens et les chevaliers ne l'entendront pas ainsi - peu m'importe.
Le principal intérêt de la réunion était son orateur; jeune, très brun, la peau claire, passionné. Un peu fatigant, mais attachant. A la fin de la réunion, ils m'ont demandé de jurer de ne rien dire. J'ai souri et je leur ai demandé pourquoi ils m'avaient invité. Ils ont parlé de Crisée. Crisée, naturellement. A aucun moment ils ne songent à remettre Crisée en question.
J'ai juré, comme ils me le demandaient, avec un peu d'écoeurement. Que s'imaginent-ils tous? Mes frères me croient plus trouillarde que je ne suis, et eux plus patricienne. Comment ne voient-ils pas que ces écoeurants petits jeux de pouvoirs m'épuisent?
J'ai juré, je suis rentrée. Ils semblent déterminer; ils veulent renverser les tyrans. Je suppose qu'ils me demanderont de l'aide. Je ne sais ce que je pourrais faire. Je ne tuerais pas mes frères, si déplaisants soient-ils, pour eux.

mercredi 9 mai 2007

Attente

Ai-je dit que la ville sentait mauvais? Mauvaise humeur... Depuis une semaine je ne peux plus me concentrer. Tôt le matin, je descends en ville, je sors par les couloirs et les tunnels, ceux qu'on n'entretiens plus, ceux où nous jouions, avec Crisée entre autre, il y a belle lurette.
Je me laisserai volontiers aller à la tristesse. J'ai même un peu pleuré, l'autre jour, dans un couloir, en me souvenant de nos jeux. Mais sans laissé aller - trop impatiente, je sors et vais et viens avec frénésie.
Les lieux du futur rendez-vous me sont connus, il me semble avoir détecté dans le quartier, les docks, bien entendu, toute ma jeunesse, si je puis dire, en tout cas celle de Crisée et de Sura, une activité suspecte.
De nouveaux exaltés? Ou un piège de Sura? Il n'en a jamais eu l'idée, ce qui me surprend. Je le vois bien pourtant jouant de la surenchère démagogique.
Qui a organisé ce rendez-vous. Aenae a disparu, et je ne lui demanderai aucun renseignement.
En ville, j'ai gouté aux caboulots, aux cafés. Les ruelles sont sales, le sol glissant, les chemins abrupts. Les marchés puent, mais le pain y est bon.
Je reviens en fin de matinée, il ne me reste que peu de temps pour profiter de mes heures de pénombre avec le soleil en face. Je reste longtemps à lire, dans l'après-midi, sur la terrasse désertée par le soleil.
Nous avons une cérémonie officielle demain. Je déteste cela. J'irai, naturellement. Je ne résiste pas au plaisir de paraître devant ma belle-soeur, toute épouse de notre roi, mais de moindre noblesse, et sur le même rang que moi lors des cérémonies; elle enrage de me voir à ses côtés. C'est un de mes plaisirs. La plupart des princes et des patriciens me sont connus, depuis plus longtemps qu'elle. Et je dois à mes activités passées un vague respect, que cette sotte n'a pas. L'autre, la maîtresse de mon frère, aurait plus de caractère. Mais roturière, elle est perdue dans la foule, et je sais qu'elle s'en moque. Il n'y a aucun plaisir à devancer, dans ces activités superficielles et vaines, une personne qui n'y attache aucune importance. Mais agacer ma belle-soeur est une petite joie.

mardi 1 mai 2007

Surveillance

Aujourd'hui, matinée gâchée par l'envoi, par mon frère Sura Hinan, ministre de la police, de deux inspecteurs, polis par ailleurs, chargés de contrôler mes activités, ma pensée, et tout ce qui pourrait faire craindre qu'une dangereuse activiste dans mon genre ne sème le doute et la perturbation dans la Ville. Il leur fallait de la lumière, ils ont consulté les documents que j'ai sorti des archives; le plus jeune était de bonne volonté, maladroit, désolé et impressionné; l'autre faisait son boulot en s'ennuyant.
Ils ont tort de se méfier; j'ai eu des amis autrefois, mais ils ont disparu, j'ai bien compris le message, d'ailleurs je me soucie peu d'aider les veaux qui habitent en bas à se libérer - on se demande de quoi? Néanmoins ce jeu de cache-cache m'amuse; revenue avant-hier, Aedea m'a transmis un bracelet codé à la façon des Houchis (les révolutionnaires ont fort sympathisés avec les Houchis, ce sont des populations nomades du continent) qui me donne un rendez-vous, en ville pour dans deux semaines. Je ne sais pas quoi faire. La ville sent mauvais, on est mieux en hauteur, et tout cela m'ennuie. Mais tromper la surveillance du détestable Sura!Mais revoir ces agités pleins d'espoirs, de paroles, de plans! M'envelopper d'un manteau, d'une robe, traverser la ville, manger dans une gargote, me presser pour être au rendez-vous!
Certes, mes chers frères ont tué leur cousin démorate, Crisée, mais Crisée, en plus d'être démocrate, était ambitieux, et dangereux; ce que je ne suis pas. Et leur police est si mal faite, que la berner est un plaisir.
Encore trois semaines pour réfléchir.
Et surtout, ne rien faire; je dois soigner mon emploi du temps; promenades, certes, mais étude et lecture. Un peu de musique? Pourquoi pas.